Le Musée de la musique :
une collection publique visible depuis 150 ans !

Extrait du Journal Le Ménestrel, 27 novembre 1864, cop BNF

Le jeudi 17 novembre 1864, le Musée de la musique (alors dénommé Musée instrumental du Conservatoire de musique de Paris) ouvrait ses portes et dévoilait une collection d'instruments de musique exposée au public pour la première fois.

Le Musée de la musique célèbre de la plus belle des manières 150 ans d'activité publique en s'inscrivant dès janvier 2015 dans la dynamique de la Philharmonie de Paris. Il incarnera ainsi l'aile historique et patrimoniale du principal projet culturel français de la décennie. Mais le public qui découvrira le nouveau haut lieu parisien de la musique sait-il que son programme novateur participe d'une histoire commencée il y a plus deux siècles ?

À l'origine, un acte révolutionnaire

L'article X de la Loi du 16 thermidor an III (3 août 1795) « portant établissement du Conservatoire de Musique à Paris » mentionne une collection d'« instruments antiques ou étrangers, et de ceux à nos usages qui peuvent, par leur perfection servir de modèles ».

L'origine du Musée instrumental (et du Conservatoire qui l'abrite) relève d'un acte révolutionnaire. Fondé dans les textes dès 1795 par les membres de la Convention Nationale, le musée est finalement créé en 1861 à l'occasion de l'achat par l'État de la collection du violoniste et compositeur Louis Clapisson (1808-1866), réunissant quelque 300 pièces. Celui-ci sera nommé conservateur du Musée instrumental en 1862.

Conservatoire de Musique de Paris. Musée historique de l'instrumentation, fondé par M. Clapisson. Portrait du fondateur. 1866. cop BNF

L'époque est favorable à la création d'un musée instrumental : c'est le temps des collectionneurs, le temps de l'innovation technologique commencée au début du siècle et dont a bénéficié la facture instrumentale alors en pleine effervescence. Les brevets d'invention prolifèrent : les frères Erard dotent le piano de la technique du « double échappement » 1821, Adolphe Sax révolutionne la famille des cuivres et invente le saxophone dans les années 1840, etc. L'utopie révolutionnaire d'une collection patrimoniale comme outil d'instruction trouve enfin à se matérialiser.

Concert chez Adolphe Sax avec Abd-el-Kader, Anonyme, E.975.6.4

L'inauguration : 17 novembre 1864

Vue des salles du Musée instrumental en 1884, gravure d'Eugène Tradoné pour la 2ème édition du catalogue Chouquet

« … un musée instrumental qui, désormais, aura le double attrait de la science et de l'art pour les visiteurs étrangers. » (Discours de M. le ministre de la Maison de l'Empereur, 1864.)

Deux salles d'exposition d'instruments de musique ouvrent officiellement leurs portes le 17 novembre 1864. Elles sont situées dans la partie des bâtiments réservés à la Bibliothèque du Conservatoire alors installé à l'hôtel des Menus-Plaisirs, rue Bergère à Paris. La presse reste discrète sur l'évènement et ne relate aucune inauguration officielle. Si elle diffère sur le jour d'ouverture — jeudi, dimanche ? — elle s'accorde sur la courte durée d'ouverture : de midi à quatre heures.

« Le Musée instrumental du Conservatoire, acquis de M. Clapisson, sera désormais ouvert au public tous les jeudis de midi à 4 heures. » (Revue et Gazette musicale de Paris, 6 novembre 1864.)

« Le Musée Instrumental du Conservatoire de Musique vient de s'ouvrir. Le public est admis, le dimanche de midi à quatre heures, à visiter cette intéressante collection, dont M. Clapisson est, comme on le sait, le fondateur principal et le conservateur. » (Ménestrel, 20 novembre 1864.)

Quels instruments s'exposaient
aux regards curieux des visiteurs ?

« Des instruments de haute curiosité, remarquables par la richesse du travail et par la beauté des sculptures. » Moniteur Universel, 26 mars 1861

La Revue et Gazette musicale de Paris du 4 décembre 1864 relate : « Depuis que le Musée Instrumental du Conservatoire est ouvert au public, il est visité par une foule nombreuses d'artistes, d'amateurs, qui examinent avec autant de curiosité que d'intérêt la remarquable collection réunie par M. Clapisson… ».

Une liste des instruments les plus remarquables de la collection paraît dans le Moniteur Universel du 26 mars 1861. Y figurent notamment le clavecin de Ruckers, les harpes dont celle appartenant à la princesse de Lamballe, la lyre peinte par Prudhon, les tympanons, les théorbes, guitares, violons, ou encore des « instruments portatifs de forme étrange »

Clavecin, Ioannes Ruckers, Anvers, 1612, E.1

  • Écouter le clavecin Ruckers E.1 de la collection de Louis Clapisson

    Musée de la musique

  • Écouter le clavecin Faby E.224 de la collection de Louis Clapisson

    Musée de la musique

Le Musée aujourd'hui

Ces instruments que découvrirent les premiers visiteurs en 1864 constituent pour la plupart aujourd'hui encore la richesse d'une des plus importantes collections au monde. Avec plus de 7000 instruments et œuvres d'art, dont un millier sont exposés, le Musée de la musique invite amateurs et simples curieux, enfants et adultes à s'immerger dans l'histoire de la musique et des innovations instrumentales. Pour faciliter la visite, des audio-guides gratuits (comprenant notamment un parcours enfants) permettent d'écouter les instruments, tandis que des films documentaires et des dispositifs d'accessibilité universelle jalonnent le parcours. Enfin, les visiteurs peuvent découvrir le Musée à leur rythme grâce à des activités spécialement conçues pour eux : concerts-promenades et visites-ateliers pour les familles, visites guidées avec un conférencier, visites-contes pour les plus petits, visites adaptées au handicap, etc. Sans compter la présence chaque jour au sein même du parcours de la collection d'un musicien qui en faisant résonner son instrument donne vie au patrimoine.

Musée de la musique © Nicolas Borel

Fabienne Gaudin, Charles Dhérouville

Sources :
Laetitia Chassain-Dolliou, Le Conservatoire ou les voies de la création, Paris, Gallimard, 1995.
Florence Gétreau, Aux origines du Musée de la musique : les collections instrumentales du Conservatoire de Paris (1793-1993), Paris, Klincksieck/RMN, 1996.

photographie haut de page : William Beaucardet