Un événement Cité de la musique


Brasil

Goooooooolll… do Brasil !

Rio de Janeiro a longtemps snobé la musique de São Paulo. Mais au fil du temps, à l’instar des deux mégapoles se rapprochant géographiquement, leurs sons fusionnent.

Du 21 au 24 juin, on sera en pleine Coupe du monde. Au Brésil, bien sûr. Rien de tel pour mettre dans un grand shaker les clichés dont ce pays n’arrivera jamais à se défaire : samba + ballon rond + Copacabana. Alors, faites comme la Cité de la musique, jetez le shaker et mettez le cap sur un mini chapelet de talents hors normes « do Brasil », dans cet axe urbain et tropical qu’est Rio de Janeiro / São Paulo. Pas loin de 40 millions d’habitants au total, deux mégapoles distantes de 400 kilomètres qui, à terme, pourraient n’en faire qu’une. Alors, fermez les yeux et comptez um (Maria Gadú), dois (Os Mulheres Negras), tres (Bonde do Rolê). Trois découvertes pour le public français, trois figures plus que singulières du riche panorama musical brésilien.

Honneur à la dame. Maria Gadú, le dimanche 22 juin. Née à São Paulo, surgie dans le panorama carioca (de Rio de Janeiro), à elle seule symbole de ce bi-pôle. Il en arrive une comme ça plus ou moins à chaque décennie. Dans les années 90, ce fut Marisa Monte ; au début des années 2000 a débarqué Maria Rita. Et depuis deux ans, c’est « la » Gadú, déboulée dans le panorama à l’âge de 25 ans, et un sacré tempérament.

En deux albums, elle s’est imposée comme une plume lumineuse, un grain de blues qui lui va bien au teint, des trophées (au total quatre disques et DVD de platine) qui l’ont d’emblée propulsée dans le champ populaire. Plus des collaborations de haut vol, dont justement rien moins qu’un double album live tout acoustique avec un certain… Caetano Veloso. Une somme de perles, simplement voix et guitares, avec bien sûr quelques œuvres d’art du sieur Veloso, mais aussi une frissonnante version du Trem das Onze du sambiste pauliste Adoniran Barbosa, et une brassée de chansons signées d’elle-même. C’est d’ailleurs accompagnée de sa seule guitare que Maria Gadú affole le public du Brésil entier. De plus, elle se fera sans doute un devoir d’offrir au public parisien sa version de Ne me quitte pas. Pas une surprise quand on sait que le père de Maria est français.

Puis mardi 24, c’est une soirée bipolaire, avec pour commencer l’excentrique duo de São Paulo Os Mulheres Negras, de retour vingt-cinq ans après leur séparation. André Abujamra et Maurício Pereira ne sont ni femmes (Mulheres) ni noirs (Negras), mais après tout, à la même époque, pour nos Négresses Vertes, c’était pareil ! Ceux qui s’autoproclamaient « le troisième plus petit grand orchestre du monde » (on n’a jamais su qui étaient les deux premiers !) viennent de cette luxuriante scène underground de São Paulo, née de la cuisse de Jupiter… tropicaliste, dans la foulée de Tom Zé (adopté par São Paulo depuis les années 70), puis d’Arrigô Barnabé, Itamar Assunção, Premeditando o Breque, Rumo, toute une scène adulée de la nuit pauliste et snobée par Rio de Janeiro. Un bric-à-brac de funk, de cordel (la chanson populaire du Nordeste), de punk, de bossa, en soutien de textes sarcastiques, de fringues foutraques (du pyjama au chapeau de paille). Deux albums en toute fin des années 1980, avec notamment un lancinant Purquá Mecê d’essence créole haïtienne qui avait tout de même fait le tour du Brésil. Deux petits disques et puis s’en vont, en 1990, avec un concert d’adieu en bonne et due forme. Abujamra a ensuite formé Karnak, groupe funk rock ethnique à géométrie variable (vu en France autour de 2000) avant de relancer Os Mulheres Negras en 2011. Toujours avec son complice Pereira. Les sommaires boîtes à rythmes d’époque ont fait place à un background plus sophistiqué, sans pour autant négliger instruments et, bien sûr, voix. Tempos parfois electrotoniques, décidément le duo reste sérieusement… farfelu.

  • Maria Gadú

    Bela Flor


  • Bonde do Rolê

    Baby don't deny it


  • Os Mulheres Negras

    Summertime


Même soirée, même parquet, autre punition (!), voici Bonde do Rolê. En fait ni Paulistes ni Cariocas, ils sont originaires de Curitiba, dans le grand Sud, mais ils font partie de la galaxie du baile funk, véritable déferlante des week-ends, surtout à Rio de Janeiro. En fait, c’est la composante jeune des écoles de samba qui change de tempo, c’est autour des morros (les collines) que s’articule cette frénésie qui fait bouger plus d’un million de personnes les vendredis et samedis. Le funk des tout débuts a fait place à une musique speedée aux tempos survitaminés, cousine du kuduro angolais, du coupé décalé ivoirien, du dancehall jamaïcain ou du kwaito sud-africain. Trois MC, Pedro D’Eyrot, Laura Taylor et Rodrigo Gorky, ce dernier également DJ : Bonde do Rolê a attiré l’attention du fouineur américain Diplo (plus tard créateur de Major Lazer) qui les produit et les propulse sur la pub de Nokia. Grands amateurs de rock, les membres de Bonde do Rolê mixent leurs influences de jeunesse avec l’esprit de la favela. Textes parfois limites et son saturé, il n’en faut pas plus pour mettre le feu aux week-ends cariocas. Et donc faire fumer le parquet de la Cité de la musique.

Bien ! Vous avez jeté le shaker, comme je vous l’ai conseillé au début, et plongé dans trois autres Brésils ? Alors rewind, le week-end des 21 et 22 juin, dans la Rue musicale, vous aurez droit à des batucadas (samedi) et à de la capoeira (dimanche). Mais l’un comme l’autre sont tellement pratiqués à Paris et dans sa banlieue que point n’est besoin de vous les présenter. D’ailleurs, batucada et capoeira ne sont-ils point passés dans le langage français ? Si ce n’est pas encore le cas, bonne occasion d’arpenter la Rue musicale.

Rémy Kolpa Kopoul

Photo : Maria Gadú © Morco Hermes

  • Bonde do role

    Bonde do role

  • Maria Gadu

    Maria Gadu

  • Os Mulheres Negras

    Os Mulheres Negras