La double vie de la Lune
Sur instruments d'époque,
Thierry Balasse donne un second souffle à Dark Side of the Moon, l'album mythique des Pink Floyd. Une performance musicale et visuelle.
Il n'est évidemment pas le seul à avoir été marqué à jamais par l'écoute
de Dark Side of the Moon. Mais Thierry Balasse n'imaginait sans doute
pas que ce mythique album des Pink Floyd, paru en mars 1973 alors qu'il
n'avait pas 15 ans, le suivrait si longtemps… Directeur artistique de la
compagnie Inouïe, Balasse est l'initiateur d'un projet fou qu'il porte depuis
plusieurs années : jouer sur scène ce que le Floyd enregistra dans les studios
londoniens d'Abbey Road, entre juin 1972 et janvier 1973. Et faire ainsi ce
que le groupe de Roger Waters et David Gilmour ne put jamais reproduire en
concert, faute de moyens techniques.
Sous la direction de Balasse, neuf musiciens rejouent à l'identique ce
Dark Side of the Moon avec les instruments et les appareils de studio de
l'époque ! Chambre d'écho à bandes, chambre de réverbération à ressort,
synthétiseur AKS et même caisse enregistreuse symbole du tubesque
Money, rien ne manque à l'appel de ce qui s'apparente certes à un
hommage et à un projet archéologique mais aussi à une performance tant
musicale que visuelle. Une démarche guère éloignée de celle de certains
musiciens baroques oeuvrant sur instruments d'époque…
L'ère étant au tout numérique, l'électroacoustique analogique fait,
dans le contexte de cette Face cachée de la Lune, un brillant come-back.
Ce projet est aussi pour Thierry Balasse un moyen de fusionner ses
diverses expériences acquises tout au long d'une carrière éclectique mais
logique. Autodidacte, il s'est d'abord imposé dans le monde du théâtre,
au milieu des années 1980, en créant des bandes sonores pour des
spectacles montés par des personnalités aussi majeures qu'Antoine Vitez.
Il réalisera la décennie suivante de nombreux enregistrements et mixages
pour Benoît Delbecq, Michel Portal et quelques autres empêcheurs
de tourner en rond.
La démarche est aussi fascinante
pour un inconditionnel des Pink Floyd que pour un simple mélomane
qui découvrira, sur scène, cet intense paso doble entre technologie d'hier
et d'aujourd'hui.
L'électroacoustique prend une place majeure dans son travail lorsqu'il
rencontre, en 1995, un certain Pierre Henry. Commence alors une
collaboration marquante avec le compositeur. Collaboration qui pousse
surtout Thierry Balasse à développer son propre travail d'écriture
électroacoustique aboutissant à la création de la compagnie Inouïe pour
des installations sonores, des enregistrements audio ou des spectacles.
Des travaux qu'il ancre parfois dans le réel comme lorsque, avec Inouïe,
il réalise un atelier de création musicale avec les détenus de la prison
d'Angers en 2011.
Avec La Face cachée de la Lune, Thierry Balasse, ses complices
et leur impressionnant instrumentarium réussissent à fusionner musique
de recherche et musique populaire. La démarche est aussi fascinante
pour un inconditionnel des Pink Floyd que pour un simple mélomane
qui découvrira, sur scène, cet intense paso doble entre technologie d'hier
et d'aujourd'hui. Une scène qui, comme le précise Balasse, « permet
de donner à entendre la richesse des timbres de cette époque ».
Marc Zisman