Cité Musiques | Quelle a été votre réaction lorsque l’Ensemble intercontemporain vous a approché à propos d’un projet de week-end Turbulences ?
Bruno Mantovani | Cette proposition m’est apparue logique – comme une continuation de ma collaboration avec l’Ensemble intercontemporain en tant que compositeur et chef – en même temps qu’excitante et gratifiante. Comme une nouvelle étape dans cette vieille histoire d’amitié qui nous lie et qui dépasse de loin l’institutionnel, et même le musical.
Comment le week-end a-t-il pris forme ?
Le projet s’est bâti peu à peu, avec de nombreux allers-retours entre les musiciens, la direction de l’Ensemble et moi-même, pour prendre en compte les envies de chacun et certaines contingences liées à la nature de cette série ou au calendrier de l’Ensemble – comme la création de commandes. Pour moi, j’y ai vu l’occasion idéale de réaliser quelques vieux rêves – notamment de diriger certaines pièces pour la première fois, comme Sur incises de Pierre Boulez.
Votre week-end s’intitule « Air libre » : en quoi cela se traduit-il ?
Par une très grande variété de propositions : du répertoire patrimonial, des compositeurs que j’aime, un peu de ma musique, de l’improvisation – pour laquelle je me joindrai aux musiciens lors de la soirée du samedi –, et bien sûr de la création puisque nous créerons, en un seul week-end, trois pièces de Johannes Boris Borowski, Raphaël Cendo et Philippe Leroux, ce dont je suis ravi. Pour moi, ce week-end est une synthèse de ce que j’aime faire avec l’Ensemble intercontemporain et ses solistes – dont certains sont aujourd’hui de bons amis, avec lesquels je travaille hors de l’institution.
En quoi ces Turbulences vous ressemblent-elles ?
Le concert d’ouverture me ressemble, avec son coup de projecteur sur la forme du concerto de chambre, dans laquelle je me sens à l’aise, un hybride qui tient à la fois de l’ensemble démocratique et du concerto, donc de la hiérarchie.
J’en ai composé deux que l’on jouera, avec celui de György Ligeti, en alternance avec des œuvres solistes. Ensuite, le grand fouillis qui gagnera la Rue musicale de la Cité au cours de la soirée du samedi me ressemble assez ! D’une manière générale, j’aime la liberté, mais aussi la cohérence. J’ai donc privilégié à la fois la logique de la programmation et sa diversité. Enfin, un petit détail m’a amusé : Turbulences est le titre d’une de mes premières pièces, que j’ai écrite quand j’étais élève du Conservatoire et que l’ensemble a jouée – sans doute une coïncidence !
En programmant certaines œuvres, comme Music for 18 Musicians de Steve Reich, on a le sentiment que vous avez voulu titiller les musiciens, en leur faisant jouer une œuvre que l’on ne peut manifestement pas
estampiller « EIC ».
L’Ensemble a besoin qu’on le nourrisse, qu’on lui amène de nouvelles œuvres dont il n’a pas l’habitude. Au cours de ces Turbulences, j’ai voulu le confronter à son rapport au soliste. L’Ensemble intercontemporain se décrit en effet comme un ensemble de trente et un solistes. Mettre en parallèle, lors d’une même soirée, des œuvres solistes et une œuvre comme Music for 18 Musicians, où l’ensemble est traité dans sa globalité, me semble ainsi très enrichissant, comme une réflexion sur l’identité même de la formation. Au même titre que de jouer une Sequenza de Luciano Berio et son Chemin associé, ou Incises et Sur incises de Pierre Boulez au sein d’un même concert, comme
nous le ferons le dimanche. On peut ainsi voir l’irruption de Music for 18 Musicians au sein d’un groupe d’œuvres apparemment plus homogène comme un concerto programmatique !